Par François Schott



PARIS (Agefi-Dow Jones)--En ce mois de mai truffé de ponts et de grèves, l'incitation à rester chez soi est forte. Même pour faire ses courses. La livraison de produits alimentaires à domicile, qui existe depuis le début des années 2000 en France mais est restée embryonnaire, connaît en effet un sérieux coup de projecteur. Toutes les grandes enseignes se livrent bataille pour remplir votre frigo, de Carrefour à Leclerc en passant par Auchan et... Amazon.



Le groupe américain, qui propose son service Prime Now depuis 2016 dans l'Hexagone, a franchi un pas supplémentaire en mars en passant un accord avec Monoprix (groupe Casino), dont il distribuera les produits alimentaires d'ici à la fin de l'année à Paris et en proche banlieue, en moins de deux heures. Pour Casino, cet accord était une réponse immédiate à l'offensive de Leclerc sur la capitale, avec un service de livraison à J+1 lancé fin mars. Quand à Carrefour, il prévoit d'investir 2,8 milliards d'euros d'ici à 2022 dans son offre digitale, avec le développement des "drive" mais aussi de services de livraison à domicile dans les plus grosses agglomérations françaises.



Cette frénésie d'investissements a de quoi surprendre. La livraison à domicile ne représente que 3% des achats de produits de grande consommation en France, indique Frédéric Valette, directeur Retail Insights chez Kantar Worldpanel. Ce marché, estimé à 2,8 milliards d'euros, est en outre dominé par des distributeurs spécialisés, tels Amazon, Zoo+ (alimentation animale, ndlr), Sephora ou encore Nespresso. Le premier distributeur généraliste, Carrefour n'arrive qu'en dixième position. Et pour cause. "Il est nettement plus rentable de livrer un produit à forte valeur unitaire et faible poids, comme une crème pour le visage ou des dosettes de café, qu'un pack d'eau ou des fruits et légumes", souligne Frédéric Valette.



Le modèle économique de la livraison à domicile reste donc à trouver pour les acteurs de la grande distribution. "Déplacer l'équilibre en convertissant des paniers en magasin à forte marge vers des ventes en ligne actuellement à faible marge, nécessite courage, conviction et insight", admet Prashant Singh, directeur de la recherche sur le e-commerce chez Nielsen. Cependant, "pour les distributeurs qui veulent prendre ce risque calculé, la récompense est là pour se faire une belle place dans les prochaines années, puisque la croissance passe de plus en plus par le digital". Le cabinet estime que le chiffre d'affaires du e-commerce alimentaire aux Etats-Unis pourrait être multiplié par cinq et représenter 20% du commerce alimentaire d'ici à 2025, contre une part de 4,3% en 2016.



Des stratégies digitales devenues essentielles pour la Bourse



Dans un secteur où les parts de marché son scrutées à la loupe, sur une base mensuelle, il devient impensable pour les distributeurs de se laisser distancer sur le segment 'online', où les positions ne sont pas encore figées. C'est pourquoi la Bourse accorde une grande importance aux stratégies digitales des différents distributeurs, même si elles pèsent aujourd'hui sur leur rentabilité.



Dans une étude publiée en décembre, les analystes de Citi ont relevé leur recommandation sur Walmart en raison de sa stratégie "offensive" dans le commerce en ligne. De même, le plan de 2,8 milliards d'euros de Carrefour dans le digital a été bien accueilli. La semaine dernière, l'acquisition par l'américain Kroger d'une participation de 6% dans le spécialiste britannique du e-commerce alimentaire, Ocado, a fait s'envoler le cours de ce dernier de 50%.



Avec une capitalisation boursière de 5,9 milliards de livres sterling (6,7 milliards d'euros) pour un chiffre d'affaires de 1,46 milliard de livres, Ocado affiche un ratio de valorisation équivalent à celui d'Amazon. Son modèle sans magasin, basé sur un outil logistique de pointe, n'est pas sans rappeler celui du géant de Seattle. Mais plutôt que de s'attaquer frontalement aux distributeurs, Ocado a choisi de développer des partenariats. Sa plateforme de préparation de commandes entièrement robotisée a déjà séduit plusieurs d'entre eux, dont le français Casino, qui a passé en novembre un accord de licence pour pouvoir utiliser la technologie du britannique dans un entrepôt qui devrait voir le jour en 2020 en région parisienne. En attendant, Ocado pourrait remplacer dès la semaine prochaine un autre épicier, Marks & Spencer, dans l'indice des principales capitalisations britanniques.



Opportunité pour les plus agiles, menace pour les autres : l'e-commerce alimentaire est bel et bien en train de redistribuer les cartes du secteur.



-François Schott, Agefi-Dow Jones; 01 41 27 47 92; fschott@agefi.fr ed: VLV





"Le Market Blog" est le blog économique et financier de l'agence Agefi-Dow Jones.



Agefi-Dow Jones The financial newswire



(END) Dow Jones Newswires



May 23, 2018 09:52 ET (13:52 GMT)




Copyright (c) 2018 L'AGEFI SA
Capgemini (EU:CAP)
Historical Stock Chart
From Dec 2024 to Jan 2025 Click Here for more Capgemini Charts.
Capgemini (EU:CAP)
Historical Stock Chart
From Jan 2024 to Jan 2025 Click Here for more Capgemini Charts.