L'homme d'affaires Vincent Bolloré et des cadres de son groupe
ont été placés en garde à vue mardi matin à Nanterre, la justice
enquêtant sur des soupçons de corruption entourant l'obtention par
son groupe de concessions portuaires en Afrique de l'Ouest.
Le milliardaire breton de 66 ans, encore aux commandes du groupe
Bolloré mais qui a récemment cédé les rênes de Vivendi à son fils
Yannick, était entendu depuis 10H00 dans les locaux de la police
anticorruption, ont indiqué à l'AFP des sources concordantes,
confirmant une information du Monde.
Des juges d'instruction tentent de déterminer si le groupe Bolloré
a utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Havas
pour se voir attribuer la gestion des ports de Lomé, au Togo, et de
Conakry, en Guinée, via une autre de ses filiales, Bolloré Africa
Logistics, anciennement appelée SDV.
Le responsable du pôle international de Havas, Jean-Philippe
Dorent, et Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré, ont
également été placés en garde à vue, a précisé une source
judiciaire.
Dans un communiqué, le groupe Bolloré a "formellement" démenti
avoir commis des irrégularités en Afrique.
"Le lien qui tente d'être fait par certains entre l'obtention de
ces concessions et les opérations de communication est dénué de
tout fondement économique et révèle une méconnaissance lourde de ce
secteur industriel", a-t-il affirmé.
L'annonce de cette garde à vue a fait plonger l'action du groupe
Bolloré à la Bourse de Paris: le titre a clôturé en baisse de plus
de 6%.
Au coeur de l'enquête, initiée notamment par les plaintes d'un
ancien associé franco-espagnol de Bolloré, Jacques Dupuydauby, se
trouvent les conseils prodigués en 2010 par Havas lors des
campagnes présidentielles victorieuses d'Alpha Condé en Guinée et
de Faure Gnassingbé au Togo. Tous deux avaient eu recours aux
activités de conseil d'Havas, pilotées par M. Dorent.
En Guinée, SDV avait obtenu la gestion du port de Conakry quelques
mois après l'élection de M. Condé fin 2010. Et au Togo, la filiale
avait remporté le marché peu avant la réélection en 2010 de M.
Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005.
- "Je privilégie les amis" -
"Les concessions obtenues au Togo l'ont été en 2001, bien avant
l'entrée du groupe dans Havas, et en Guinée, en 2011, à la suite de
la défaillance du ndeg1 (le groupe étant arrivé en seconde position
lors de cet appel d'offres), défaillance constatée avant l'élection
du président", a fait valoir le groupe Bolloré dans son
communiqué.
"Bolloré remplissait toutes les conditions d'appel d'offres. C'est
un ami, je privilégie les amis. Et alors?", avait expliqué Alpha
Condé au journal Le Monde en 2016, à propos de ce dossier.
Une perquisition avait eu lieu en avril 2016 à la tour Bolloré de
Puteaux, près de Paris, siège notamment de la filiale Bolloré
Africa Logistics, en particulier dans les bureaux de Vincent
Bolloré lui-même.
C'est en enquêtant sur les relations de Francis Perez, président du
groupe Pefaco, une société spécialisée dans l'hôtellerie et les
jeux et très implantée en Afrique, que les enquêteurs ont été
amenés à se pencher sur les activités africaines de Vincent
Bolloré.
Francis Perez comptait notamment parmi ses relations Jean-Philippe
Dorent.
A chaque fois, la désignation de SDV a donné lieu à une bataille
judiciaire entre le groupe Bolloré et les anciens gestionnaires des
ports.
Concernant le port de Lomé, Jacques Dupuydauby accuse la présidence
togolaise d'avoir été corrompue par le groupe français. L'ancien
associé de M. Bolloré a affirmé mardi, dans un communiqué à l'AFP,
"se réjouir de voir ces instructions progresser". Ses deux
plaintes, une d'avril 2012 pour "extorsions de fonds" et l'autre
d'avril 2013 pour "trafic d'influence" et "corruption", sont
également instruites par le juge Tournaire, selon son avocate, Me
Sarah Maugier Polak.
Dans son bras de fer judiciaire avec l'industriel breton, Jacques
Dupuydauby a cependant été condamné en Espagne à 3 ans et neuf mois
de prison pour "détournement d'actifs" du groupe Bolloré. La cour
d'appel de Paris doit examiner à nouveau le 16 mai la demande
d'extradition de Madrid.
S'agissant de Conakry, Bolloré avait perdu sa bataille devant le
tribunal de Nanterre face à Necotrans, l'ancien concessionnaire, et
a été condamné en 2013 à lui verser plus de 2 millions d'euros. En
juin 2017, Necotrans, spécialiste de la logistique en Afrique, a
été placé en redressement judiciaire et racheté peu après par le
groupe Bolloré.
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April 24, 2018 14:27 ET (18:27 GMT)
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