Trefor Moss,



The Wall Street Journal





LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Une nouvelle génération de start-up de livraison se bat pour l'argent des investisseurs et la fidélité des clients : des jeunes pousses qui promettent de vous apporter vos courses en 10 petites minutes.



Avec la pandémie, il est devenu tout à fait normal de faire ses emplettes en ligne, un phénomène qui bouleverse un marché qui pèse 2.000 milliards de dollars par an. De nouveaux acteurs misent donc sur un business model inspiré de celui qui a fait décoller la livraison de repas à domicile.



Pour y arriver, ces start-up disposent de petits entrepôts baptisés "dark stores" et de leur propre personnel. Pour leurs dirigeants, le fait d'embaucher des salariés permet d'offrir un temps de livraison plus court et une qualité de service plus constante qu'en ayant recours, comme le font les autres spécialistes de la livraison, à des travailleurs indépendants qui transportent des produits préparés par des tiers.



Ces start-up veulent ainsi profiter de ce qu'elles considèrent comme un marché inexploité, à mi-chemin entre grands supermarchés et supérettes de quartier.



"Les supérettes étaient l'un des derniers segments de la distribution à ne pas être présents en ligne, mais depuis la pandémie, les choses ont changé", souligne Rytis Vitkauskas, associé de Lightspeed Venture Partners, une société californienne de capital-risque qui a investi dans Zapp, une start-up britannique de livraison rapide.



Uber Eats et Carrefour lancent un service de livraison



La semaine dernière, Uber Eats et Carrefour ont lancé un service de livraison de courses en 15 minutes dans Paris. Les produits viendront des entrepôts de Cajoo, partenaire de Carrefour.



La filiale d'Uber Technologies s'essaie à la gestion de ses propres entrepôts à Taïwan et s'est alliée à GoPuff (une société soutenue par SoftBank) aux Etats-Unis. Objectif : livrer aussi vite que possible des courses du quotidien depuis ses quelque 400 sites. Sa concurrente DoorDash, leader du secteur aux Etats-Unis, a récemment déclaré envisager d'ouvrir ses propres entrepôts dédiés à la livraison de courses.



A Londres, la concurrence fait déjà rage : pas moins de huit start-up sont sur les rangs. Du turc Getir Perakende Lojistik à l'allemand Gorillas Technologies, les acteurs du secteur ont recouvert les célèbres bus londoniens de publicité. Plutôt spécialisé dans la livraison de repas (et soutenu par Amazon), Deliveroo a annoncé en septembre le lancement de son service de livraison de courses en 10 minutes dans la capitale.



Le caractère ultra-concurrentiel du marché britannique, où une poignée de distributeurs se battent pour grappiller des parts de marché, a souvent stimulé l'innovation : c'est par exemple là qu'est née l'idée du "click-and-collect".



Mais si la plupart des grands distributeurs proposent une livraison en moins de 24 heures, aucun n'est aussi rapide que ces start-up. Le mieux que puisse faire Amazon, qui possède la chaîne de supermarchés Whole Foods à Londres et propose aussi son service Amazon Fresh, c'est livrer "dans la journée". Une chance à saisir pour les entreprises qui veulent satisfaire les clients qui n'ont pas le temps d'attendre.



Déjà 7 milliards de dollars investis dans les start-up spécialisées



Ces dernières années, les investisseurs ont misé au moins 7 milliards de dollars dans les start-up spécialisées dans les courses du quotidien, essentiellement en 2021, révèlent les chiffres des levées de fonds. En octobre, Gorillas a annoncé avoir levé environ un milliard de dollars lors d'un tour de table mené par Delivery Hero, spécialiste allemande de la livraison. Un peu plus tôt cette année, GoPuff avait obtenu une somme comparable auprès de plusieurs investisseurs, dont SoftBank. L'espagnol Glovo a, lui, levé 450 millions d'euros.



C'est l'envolée de la demande au moment des confinements et le potentiel de consolidation qui ont attiré les investisseurs. "Il existe une demande évidente pour ce type de service et la pandémie l'a amplifiée", souligne Paul Martin, responsable de la distribution au sein du cabinet de conseil KPMG. "Mais à terme, un ou deux acteurs devraient l'emporter et dominer."



Selon lui, certains acteurs pourraient fusionner, mais les grandes chaînes de supermarché pourraient aussi décider d'acheter ou de fusionner avec les plus prometteurs, ce qui serait une excellente nouvelle pour les investisseurs. Jeudi, le numéro un britannique de la grande distribution Tesco a annoncé qu'il allait tester, avec Gorillas, la livraison en 10 minutes depuis certains de ses magasins.



Cependant, pour Paul Martin, la plupart des start-up n'arriveront pas à être rentables, parce que la gestion des magasins et des stocks ainsi que les salaires des employés et des livreurs font exploser leurs coûts d'exploitation.



La londonienne Zapp propose une livraison en 20 minutes, un délai un peu plus long que ses concurrentes. Steve O'Hear, vice-président en charge de la stratégie, explique qu'il est plus facile de respecter les horaires avec cette plage élargie et que les clients sont plus sensibles au respect de l'engagement qu'au fait de recevoir leurs chips et leurs sodas quelques minutes plus tôt.



Zapp a levé environ 105 millions de dollars auprès de plusieurs investisseurs, dont Lightspeed, selon PitchBook. Elle a ouvert son premier "dark store", un établissement qui ressemble en tout point à une supérette, mais sans client, en fin d'année dernière. Elle en compte aujourd'hui 24 à Londres, ainsi que d'autres au Royaume-Uni et à Amsterdam.



Ces magasins fantômes ressemblent aux "dark kitchens" créées par les sociétés de livraison pour préparer les repas de plusieurs restaurants au même endroit. Zapp fonctionne 24 heures sur 24 et livre les clients situés dans un rayon d'environ 3 kilomètres qui commandent par le biais d'une application pour smartphone.



L'idée est de répondre aux envies soudaines et aux petites urgences : les crèmes glacées et le papier-toilette sont les deux best-sellers, sourit Ana Alves, responsable du magasin Zapp du quartier londonien de Shoreditch.



A l'avant du magasin, un opérateur surveille un mur d'écrans où s'affichent les stocks, les commandes et les livraisons. Dans les rayons, on trouve surtout des encas, des boissons et des produits de première nécessité.



Quand une commande arrive, un "bip" prévient le préparateur qui va remplir le panier. Exemple récent : du savon, du houmous, des œufs et des bananes. L'opérateur, qui lit les instructions sur un appareil fixé sur son avant-bras, rassemble les articles puis passe la commande à un livreur, qui file sur un vélo électrique.



Elément important de la stratégie de Zapp (qui différencie aussi la start-up des acteurs traditionnels de la livraison de repas) : les employés du magasin et les livreurs sont salariés de l'entreprise. Les clients veulent un service fiable, "et on pense que ça n'est pas possible en demandant à des indépendants d'aller faire des courses dans un magasin", explique Steve O'Hear. Pour Ana Alves et les autres employés du magasin de Shoreditch, les conditions offertes par Zapp sont bien plus favorables que celles que proposent les géants de la "gig economy", cette économie des petits boulots non salariés.



Zapp facture 1,99 livre, soit environ 2,73 dollars, pour les commandes de moins de 30 livres ; au-delà, la livraison est offerte. Pourtant, même avec un délai plus long que certaines de ses concurrentes, Zapp a parfois du mal à être à l'heure. Les trois commandes passées par un journaliste du Wall Street Journal dans trois quartiers différents sont arrivées au bout de 56 minutes, 42 minutes et 11 minutes.



Selon Steve O'Hear, 90% des livraisons de Zapp arrivent dans les 20 minutes annoncées et l'entreprise rembourse la totalité de la commande (sous forme de bon d'achat) si le retard est très important. Le montant moyen d'une commande est de 35 dollars. Zapp affirme faire un bénéfice sur deux tiers des transactions.



Autre start-up londonienne, Weezy vise des clients qui veulent compléter leur séance de "grosses courses" hebdomadaire au supermarché. Alec Dent, son cofondateur, explique qu'elle s'adresse à des ménages qui veulent acheter des produits locaux de qualité "en complément des courses habituelles".



"On ne remplace personne, on propose une nouvelle façon de faire ses courses", résume-t-il.





-Trefor Moss, The Wall Street Journal



(Version française Marion Issard) ed: ECH



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November 03, 2021 05:50 ET (09:50 GMT)




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