Le salut de Sodexo passera inévitablement par l'Amérique du Nord - DJ Plus
March 29 2018 - 10:39AM
Bourse Web Dow Jones (French)
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Denis Machuel ne s'attendait probablement
à un baptême du feu aussi ardent. Pour sa première intervention
devant les analystes, le nouveau directeur général de Sodexo
(SW.FR) s'est efforcé de rassurer le marché jeudi, après la
publication d'un nouvel avertissement sur résultats, Sodexo ayant
divisé par plus deux sa fourchette de prévision de croissance
interne pour l'exercice 2017-2018 et revu sa prévision de taux de
marge d'exploitation à 5,7% contre 6,5% auparavant.
Sans grand succès puisque le titre dévissait encore de 14% en fin
d'après midi, UBS évoquant "une mauvaise surprise de Pâques". Le
marché s'inquiète de l'absence de visibilité sur une entreprise qui
a enregistré deux avertissements sur marges en six mois et cinq
avertissements sur chiffre d'affaires en un an, souligne
Berenberg.
La crédibilité de la direction en question
Berenberg juge que cette nouvelle alerte "pose la question de la
capacité de la direction à piloter l'entreprise". Les analystes de
Bernstein adoptent la même ligne, estimant que cet avertissement
"soulève de nombreuses questions". "Au vu des révisions permanentes
des perspectives, nous sommes inquiets quant à la capacité de la
direction à évaluer l'opérationel. Quels projets peuvent être mis
en oeuvre maintenant plutôt qu'au second semestre 2016-2017,
lorsque les problèmes ont commencé à apparaître?",
s'interrogent-ils.
Denis Machuel a beau avoir confirmé les objectifs de moyen terme de
son groupe - une croissance annuelle moyenne hors effet de changes
entre 4 et 7% - plusieurs analystes les remettent en cause. L'un
d'entre eux souligne le message brouillé de la direction, qui a
insisté jeudi sur l'importance des contrats locaux et de l'activité
restauration de Sodexo "alors qu'ils vantaient un modèle global et
multiservices il y a encore quelques mois". "L'important pour la
direction est de trouver un bon équilibre entre les contrats
multiservices et uniservices et entre le global et local", fait
valoir auprès de l'agence Agefi-Dow Jones une porte-parole de
Sodexo.
Le directeur général a reconnu les faiblesses de son groupe en
téléconférence, admettant que Sodexo accusait parfois un déficit de
compétitivité et rencontrait des difficultés à gagner de nouveaux
contrats. L'entreprise de restauration collective a promis "des
plans d'actions immédiat et à moyen terme" pour notamment accroître
la contribution des contrats les moins performants, améliorer la
productivité et renforcer ses procédures d'approvisionnement.
Marges détériorées
Dire que Sodexo a de nombreux défis à surmonter relève de
l'euphémisme. Mais il demeure un point sur lequel le groupe de
restauration collective est particulièrement attendu : son
redressement en Amérique du Nord. Les activités Education et Santé
dans cette région pèsent pour près d'un tiers du chiffre d'affaires
du groupe. L'Amérique du Nord est aussi "la plus grande
contributrice au 'group EBIT' (résultat opérationnel du groupe,
NDLR)", note Najet El Kassir, analyste chez Berenberg.
La mauvaise dynamique sur cette région a compté pour beaucoup dans
ce nouvel avertissement sur résultats, puisque l'Amérique du Nord a
causé à elle seule un recul de 25 points de base de la marge
d'exploitation au premier semestre. Les analystes d'Oddo BHF
considèrent ainsi que l'alerte "est essentiellement liée" à cette
région. Sodexo a admis que les mesures déployées pour gagner en
efficacité et améliorer les marges en Amérique du Nord n'avaient
pas encore porté leurs fruits.
"Le problème est qu'ils ont connu en Amérique du Nord une vague de
pertes de contrats et qu'ils ne sont depuis pas capables d'en
renouveler certains ou de gagner suffisamment de nouveaux. Leurs
produits ne sont pas dépassés, leurs difficultés doivent donc être
davantage dues à une mauvaise approche commerciale des appels
d'offres", développe un analyste. "Ce problème était déjà connu et
il semble désormais plus profond", ajoute cet intermédiaire
financier.
Un examen approfondie de la structure de coûts en cours
La direction de Sodexo n'a pas communiqué de plan spécifique à
l'Amérique du Nord. Toutefois, elle devrait fournir davantage de
détails lors de la communication officielle des résultats du
premier semestre 2017-2018, le 12 avril prochain. Le groupe va par
ailleurs lancer une revue approfondie de sa structure de coûts par
régions, qui devrait durer 12 à 18 mois. Les plus importantes
régions venant en premières, Sodexo devrait prochainement passer au
crible ses activités nord-américaines pour en tirer les conclusions
adéquates. Certains analystes s'attendent à ce que le groupe
réorganise davantage sa force commerciale dans la région. Une
action d'autant plus cruciale que Sodexo anticipe un nouveau recul
du chiffre d'affaires en Amérique du Nord au deuxième semestre,
même s'il devrait s'avérer moins prononcé que sur les six premiers
mois de son exercice décalé.
Une bonne surprise sur l'activité en Amérique du Nord apporterait
un catalyseur à une valeur qui semble autrement promise à un avenir
sombre. "On se demande où ils vont. Même sur une valorisation
attractive le dossier est 'dead money' (investissement sans
potentiel, NDLR)", déplore un analyste. Les analystes d'Oddo
remarquent pour leur part que la valeur s'échange avec des
multiples cours/bénéfices attendus pour 2018 nettement inférieurs à
ceux de ses concurrents Compass (CPG.LN) et Elior (ELIOR.FR). Mais
"cela ne devrait pas suffire à supporter la valeur au regard de son
bilan face à ses rivaux", ajoutent-ils. Les analystes de Berenberg
recommandent de leur côté de vendre Sodexo et d'acheter Compass et
Elior.
Arrivé aux commandes il y a à peine deux mois, Denis Machuel semble
avoir pris la mesure de la tâche qui l'attend et a fait preuve d'un
discours volontariste ce jeudi. Mais les détails sur son plan
d'action manquent encore. Dans cette optique, les investisseurs
guetteront avec attention la date du 12 avril, avec les Etats-Unis
en point de mire. Sodexo n'aura alors pas le droit à l'erreur car
le groupe de restauration collective a depuis longtemps épuisé la
patience du marché.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH
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March 29, 2018 10:19 ET (14:19 GMT)
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