MONTRÉAL, le 27 sept. 2024 /CNW/ - Une demande d'injonction du Gouvernement du Québec a été entendue hier, contestant la décision des membres des deux associations de juges administratifs du Tribunal administratif du travail (TAT) de tenir deux journées de grève, les 30 septembre et 7 octobre ainsi que l'ensemble des moyens de pression qu'ils voudraient exercer.

La Cour supérieure a accueilli aujourd'hui l'injonction au stade provisoire, empêchant ainsi les juges administratifs du TAT d'exercer tout moyen de pression jusqu'au 18 octobre prochain.  Selon l'honorable juge Ian Demers, la demande d'injonction « soulève une question de droit qui peut justifier de préserver le statu quo et empêcher la tenue des jours de grève. »

« À la lumière de cette décision, il est incompréhensible que le Gouvernement reconnaisse l'importance du travail des juges administratifs du TAT, mais refuse de leur accorder accès à un mécanisme formel permettant de faire valoir au Gouvernement leurs intérêts et préoccupations. Il s'agit pourtant d'un mécanisme dont disposent les juges du Québec et même les procureurs aux poursuites criminelles et pénales. La situation ne peut plus durer et nous évaluons nos recours », a indiqué Me Marie-Claude Lavoie, présidente de l'Association des juges administratifs du Tribunal administratif du travail, division de la santé et de la sécurité du travail (l'AJATAT-DSST).

Le président de l'Association des juges administratifs du Tribunal administratif du travail, division des relations du travail (l'AJATAT-DRT), Me François Demers, considère que : « Le résultat net de la décision est que les juges administratifs n'ont aucun levier pour convaincre le Gouvernement du bien-fondé de leurs revendications, dont le juge de la Cour supérieure a reconnu le sérieux. Par son entêtement, le Gouvernement s'engage dans des démarches judiciaires longues et coûteuses aux dépens des contribuables. Alors que la solution serait si simple. »

L'honorable juge de la Cour supérieure reconnaît le bien-fondé des arguments présentés par les AJATAT lorsqu'il écrit :

[20] Dans de nombreux cas, la forte apparence de droit justifie en soi le prononcé d'une injonction interlocutoire. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Les associations soulèvent une question tout aussi légitime que celle avancée par le PGQ : en l'absence d'une disposition législative leur interdisant de recourir à la grève ou à d'autres moyens de pression et d'un mécanisme d'examen indépendant de leur traitement et des autres conditions de leur fonction, est-ce qu'une injonction interlocutoire provisoire porterait atteinte à leur liberté d'association?

[21] S'il est vrai que le droit de grève n'a jamais été reconnu aux membres d'un tribunal quasi judiciaire, il est également vrai qu'il a évolué énormément. Il fait maintenant partie intégrante « de l'exercice du droit à un processus véritable de négociation collective ». Il est disponible à toute association de travailleurs, qu'ils soient assujettis ou non à une convention collective régie par le Code du travail. Le législateur peut l'abolir, mais doit le remplacer par un mécanisme véritable et efficace d'arbitrage.

[22] Bien entendu, les pourparlers des associations avec le gouvernement du Québec quant au traitement et autres conditions de la fonction de juge administratif ne sont pas des négociations. Elles ne se situent pas dans un contexte de relations de travail entre un supérieur hiérarchique et des salariés en vue de la conclusion d'un contrat de travail; le jeu des concessions sous-jacent à toute négociation n'exerce aucune influence. Le droit de grève, s'il était reconnu, devrait en tenir compte. Il n'en demeure pas moins que la position des associations n'est pas dénuée de sens.

[23] Elle l'est d'autant moins lorsqu'elle est examinée en relation avec l'indépendance judiciaire. Le cadre législatif doit garantir l'indépendance des tribunaux administratifs, p. ex. quant à la rémunération, la durée et le renouvellement des mandats et la révocation pendant le mandat. Il n'est pas impossible que la portée des composantes garantissant l'indépendance judiciaire évolue comme elles ont évolué quant aux tribunaux judiciaires.

Répondant aux arguments soulevés par le PGQ voulant que les démarches entreprises par les juges l'aient été dans un but purement personnel, la Cour supérieure écrit :

[25] Les questions relatives à la rémunération et aux autres avantages sont d'intérêt public. Les garanties d'indépendance judiciaire ne sont pas élaborées au profit des juges administratifs, mais au bénéfice du public qui en sera le premier bénéficiaire.

En effet, les revendications des deux associations visent à assurer l'indépendance du TAT, au bénéfice des justiciables, et à maintenir l'attractivité de la fonction de juge administratif dans le but de continuer à rendre une justice de qualité, des objectifs qui devraient être partagés par le Gouvernement.  

« Tout ce que nous voulons, c'est un mécanisme de fixation de nos conditions de travail comme celui dont bénéficient déjà les juges de la Cour du Québec, des cours municipales et les juges de paix magistrats. Nous ne voulons pas nécessairement la même rémunération qu'eux, juste un mécanisme indépendant », ajoute Me Marie-Claude Lavoie.

Les juges administratifs du Tribunal administratif du travail offrent une justice de proximité essentielle au fonctionnement de la société en traitant des affaires concernant notamment des réclamations en cas d'accident du travail, de harcèlement psychologique, de congédiement et d'accréditations syndicales.  

SOURCE Association des juges administratifs du Tribunal administratif du travail, Division des relations de travail (AJATAT-DRT)

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